Didier
de Lannoy
Le
texte qui suit devait être posté sur le blog de Jodi (Lettres
d'information) mais Overblog
-
Ma (jeune) veuve mariée ne s'en formalisera pas !
m'a fait des histoires (article trop
long, il faut réduire et gnagnagna) et j'ai
été
amené à le transférer sur Blogger :
Veuveresse ya bomoyi !
2012Quelques autres fronts (actifs ou désactivés) :
Signatures
automatiques... et en couleurs,
cliquez sur: http://caleseche.blogspot.com/
Kamundele
na makayabo
(cookies ya Kin), cliquez sur: http://kamundele.blogspot.com/Lettre d'information (Jodi le blog), cliquez sur : http://jodi.over-blog.net/
Faits de société (Ana et le Congo, série 4), cliquez sur http://anaco3.overblog.net
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Les
écrivains congolais sont en colère !
M23,
nouvelle tentative de balkanisation du Congo, laissez-faire et
complicités "internationales", collusions et manipulations locales... et
pendant ce temps-là le peuple congolais est toujours dans la
merde
André YOKA LYE MUDABA
vient de publier, à Kinshasa
dans Le Potentiel du 30 novembre 2012
un de ses « confidences de chauffeur de ministre » intitulée
Guerre : Pleureuses à l'assaut de la Grande Ambassade et de la Monusco
tandis
que
Bibish MUMBU
très
énervée, a « juste posté un quelque chose sur son blog
question de dé-grrrr.... »
Que quelqu'un aille leur dire
suivi de
Lettre au disparu, à l'absent
Je
Je lis dans “Pili-Pili” du 22 novembre 2012 que “l’ombre” des Canadiens de FIRST QUANTUM, déboutés de leurs “droits miniers” à l’issue de la revisitation des contrats
Je lis dans “Pili-Pili” du 22 novembre 2012 que “l’ombre” des Canadiens de FIRST QUANTUM, déboutés de leurs “droits miniers” à l’issue de la revisitation des contrats
(j’en
parlais déjà en 2010 dans AnaCo 3/5:
http://anaco3.over-blog.net/article-anaco-3---a-la-faveur-de-la-hausse-du-prix-des-minerais-les-mining-reviennent-en-force-45851934.html: d’autres entreprises minières… dont les contrats avaient fait
l’objet d’une « revisitation »… grondent, fulminent, se
cabrent, font du chantage, menacent … et Mike Farmer, Country
Manager de la firme canadienne First Quantum Mineral ltd (dont le
projet Kingamyambo Musonoï Tailings, KMT, projet d’exploitation
des rejets miniers de Kolwezi, a été résilié) rappelle
que les opérateurs miniers « sont capables du meilleur comme du
pire » et entend faire passer
(ou « bien envoyer » - sic, c'est très exactement le terme utilisé - cf AfricaNews,
n° 405 du mercredi 16 au jeudi 18 décembre 2009) un
message fort aux autorités congolaises…
)
“planerait sur le financement du M23”... et que, précédemment, “des miniers canadiens avaient investi des millions de dollars” dans la campagne électorale électorale d'un des candidats aux élections présidentielles. On parle aussi de prospection pétrolière dans le parc des Virunga et de l'entreprise britannique Soco (South Africa Congo Oil) établie à Kigali, de Tony Blair, de différents intérêts liés aux USA... dont la « Grande Ambassade » est, à présent, assaillie par les pleureuses. De même que le quartier général de la Monusco. L'inertie et la « lâcheté » des soldats de la Monuscouilles molles (ce n'est pas moi qui ai inventé l'expression... mais comment me retenir
- Ma (jeune) veuve mariée va m'agonir : Phallocate ! Incivique ! Délinquant ! Adepte des anti-valeurs ! etc...
de la rapporter ?) stupéfient...je m'en étonne et on m'invite alors à relire la réponse donnée par le porte-parole militaire de la Monusco sur la « démonstration de force par paliers successifs », en réponse à une question d’un journaliste, lors de la conférence de presse hebdomadaire One UN du mercredi 25 juillet 2012 :
Question du journaliste :
«
(…) j’aimerais savoir si oui ou non la Monusco a ouvert le feu
hier contre le M23, à Rutshuru ? » “planerait sur le financement du M23”... et que, précédemment, “des miniers canadiens avaient investi des millions de dollars” dans la campagne électorale électorale d'un des candidats aux élections présidentielles. On parle aussi de prospection pétrolière dans le parc des Virunga et de l'entreprise britannique Soco (South Africa Congo Oil) établie à Kigali, de Tony Blair, de différents intérêts liés aux USA... dont la « Grande Ambassade » est, à présent, assaillie par les pleureuses. De même que le quartier général de la Monusco. L'inertie et la « lâcheté » des soldats de la Monuscouilles molles (ce n'est pas moi qui ai inventé l'expression... mais comment me retenir
- Ma (jeune) veuve mariée va m'agonir : Phallocate ! Incivique ! Délinquant ! Adepte des anti-valeurs ! etc...
de la rapporter ?) stupéfient...je m'en étonne et on m'invite alors à relire la réponse donnée par le porte-parole militaire de la Monusco sur la « démonstration de force par paliers successifs », en réponse à une question d’un journaliste, lors de la conférence de presse hebdomadaire One UN du mercredi 25 juillet 2012 :
Question du journaliste :
Réponse du Commandant Thibaut De Lacoste, Porte-parole militaire MONUSCO a.i : « Maintenant, concernant l’emploi de la force avec les hélicoptères d’attaque, je précise un petit peu ce que signifie cette notion de « démonstration de forces ». La démonstration de forces vise à employer la force de façon démonstrative, dans un but dissuasif. Elle se fait par différents paliers qui sont autant de gradations, avant d’en arriver à l’extrême limite qui est l’utilisation de la force létale. Donc, ce qui a été le cas dans ce qui s’est passé ces derniers jours, ces différents paliers ont été suivis progressivement sans que pour l’instant, nous ayons été amenés à ouvrir le feu dans un but de neutralisation ou de destruction. J’entends par là, ces différents paliers sont un petit peu les suivants, de façon un petit peu schématique, je dirai : le premier palier d’une démonstration de forces consiste simplement à un survol bas de l’aéronef, au dessus des positions qui ont été identifiées, qui permettent de passer le message suivant, selon lequel, « les individus au sol ont été repérés et qu’on est capable de les surveiller et de suivre leur évolution » ; le deuxième palier consiste à tirer ce qu’on appelle « flare » thermique ou des fusées éclairantes qui sont un petit peu visibles et qui permettent de passer le message suivant, de dire « attention, non seulement nous avons vu, mais nous sommes capables d’ouvrir le feu sur vos positions » ; le palier suivant, dans l’emploi de la force, serait pour le coup, l’utilisation des munitions réelles mais tirées délibérément à côté de la position visée, pour indiquer « non seulement nous avons vu, nous sommes capables de tirer sur vous, mais en plus, voyez quels effets nous sommes capables de produire sur vous si vous franchissez la ligne rouge ». Voilà un petit peu les différents paliers successifs que nous pouvons observer dans le cadre de démonstration de forces. Donc, le principe de la démonstration de forces peut évidement impliquer les tirs de munitions réelles, comme je vous l’ai expliqué, sans que ce soit véritablement dans un objectif, dans une intention de neutralisation. Maintenant, quand cela ne suffit pas, évidement, nous pouvons toujours envisager l’extrême limite d’utiliser la force dans un but de neutralisation ».
diffuse
ddl
alias Vié ba Diamba
André
YOKA LYE MUDABA
Guerre : Pleureuses à l'assaut de la Grande Ambassade et de la Monusco
Cela
fait
deux
semaines
qu’elles
sont
là,
à
même
le
sol,
devant
les
barricades
de
la
Grande
Ambassade !
Elles
sont
là
nuit
et
jour.
Au
nom
des
morts
de
l’Est !
Tous
les
matins,
mon
patron
le
Ministre
des
Affaires
stratégiques
et
moi,
sommes
obligés
de
passer
par
là
pour
aller
au
cabinet
ministériel.
Voie
obligée
pour
contourner
les
embouteillages.
Ce
sont
les
pleureuses
en
deuil
de
Goma.
Ces
pleureuses
sont
de
tous
âges
et
de
toutes
conditions
sociales.
Elles
sont
là
à
prier
et
à
chanter.
A
chanter
et
à
pleurer.
A
pleurer
et
à
danser…
Au
nom
des
morts
de
l’Est !
Hier
en
passant
par
là,
mon
patron
de
ministre
et
moi
avons
constaté
un
changement
de
décor.
Ces
pleureuses
avaient
installé
un
« malewa »
improvisé,
avec
casseroles
au
feu
de
braise.
J’apprendrai
plus
tard,
par
la
radio-trottoir,
qu’elles
venaient
ainsi
d’interrompre
leur
grève
de
la
faim.
Au
nom
des
morts
de
l’Est !
Je
ne
sais
pourquoi,
depuis
quelques
jours
que
nous
passons
par
là,
mon
patron
de
ministre
s’arrête,
et
semble
méditer
en
écoutant
ces
pleureuses.
Il
les
écoute
sans
se
rapprocher
vraiment.
C’est
comme
s’il
avait
envie
de
dialoguer,
de
comprendre,
de
compatir.
Mais,
devant
l’indifférence
de
ces
pleureuses,
tout
à
leur
douleur,
mon
patron
de
Ministre
n’ose
pas
poser
de
questions.
Et
m’enjoins
de
repartir
au
plus
vite.
Hier
matin,
changement
de
décor
encore.
Les
pleureuses
avaient
fait
venir
une
fanfare,
et
tout
le
quartier
est
entré
en
ébullition.
J’ai
regardé
autour :
un
cordon
de
la
police,
assez
distante,
assez
indifférente.
Or,
ce
matin,
à
ma
grande
surprise,
les
policiers
en
fonction
se
sont
mêlés
aux
pleureuses.
Je
ne
sais
pas
si
j’ai
bien
vu :
j’ai
cru
voir
des
femmes
policières
partager
le
deuil,
partager
la
douleur
à
travers
chants
et
pas
de
danse.
Et
en
uniforme !
Mon
patron
de
ministre
m’a
demandé
de
m’arrêter
quelques
minutes.
Comme
s’il
avait
envie
lui
aussi
de
partager,
de
comprendre
…
J’ai
donc
résolu,
ce
jour,
à
l’heure
de
la
pause,
de
rentrer
par
moi-même,
à
pied
vers
ce
deuil
des
pleureuses.
Pour
comprendre
ces
femmes-pleureuses
qui
font
le
deuil
en
plein
centre-ville,
à
même
le
sol,
à
l’entrée
de
le
Grande
Ambassade.
Je
m’approche
et
j’aborde
celle
qui
paraît
être
la
meneuse
du
deuil.
Elle
est
inconsolable.
Entre
deux
sanglots,
elle
m’explique
que
son
mari
de
soldat
n’a
plus
donné
signes
de
vie
depuis
l’Est,
depuis
la
guerre.
Elle
me
montre,
serrée
entre
ses
doigts
en
sueur,
une
enveloppe
froissée ;
de
temps
en
temps,
elle
serre
l’enveloppe
sur
sa
poitrine.
Entre
deux
sanglots
toujours,
elle
bredouille
qu’on
venait
de
lui
annoncer
la
mort
du
mari,
que
c’est
pareil
pour
presque
toutes
les
autres
pleureuses.
Je
m’assieds
par
terre
et
écoute,
au
milieu
de
chants
mêlés
aux
pleurs,
des
récits
les
plus
poignants
de
la
guerre
de
l’Est,
ceux
que
l’on
apprend
ni
à
la
radio-trottoir,
ni
à
la
radio
tout
court.
Je
me
surprends
en
train
de
pleurer
avec
les
pleureuses.
Au
nom
de
nos
morts
de
l’Est !
En
face
de
moi,
la
plus
jeune
des
pleureuses.
Elle
me
dit,
en
sanglots,
qu’elle
ne
connaît
pas
l’Est
du
pays ;
qu’elle
ne
connaît
personne
là-
bas.
Elle
n’est
même
pas
de
là-bas.
Elle
entend
ce
que
tout
le
monde
entend.
Mais
elle
dit
sa
révolte
à
sa
façon : « Yelélé !
Yelélé !
La
guerre
a
mangé
ses
enfants,
parmi
les
plus
innoncents.
Là-bas,
la
guerre
est
comme
la
troisième
saison.
La
saison
des
foudres.
La
guerre,
comme
la
foudre,
se
joue
de
la
vie.
Yelelé !
Yelelé ! ».
Cette
jeune
pleureuse
me
dit,
entre
sanglots,
qu’elle
est
« bongolatrice »,
cambiste
au
noir,
sur
la
même
avenue
de
la
Grande
Ambassade.
Qu’elle
a
arrêté
son
boulot,
par
solidarité
avec
les
autres
pleureuses,
qu’elle
a
d’ailleurs
croisées
par
hasard
là,
sur
le
trottoir.
Cette
« bongolatrice »
a
tout
laissé
tomber,
a
pris
sa
natte
et
son
pagne
noir ;
et
a
commencé
le
deuil.
Au
nom
de
victimes
de
là-bas,
toutes
inconnues
d’elle !
…
La
fin
de
ma
pause
de
chauffeur
de
ministre
approche ;
je
dois
rentrer
au
cabinet
récupérer
la
voiture
officielle
et
mon
patron
de
ministre.
Je
suis
bouleversé
par
ce
que
j’ai
vu,
par
ce
que
j’ai
entendu,
par
ce
que
j’ai
touché.
Cette
douleur-là
est
contagieuse.
Elle
n’a
pas
de
docteur,
n’a
pas
de
prix.
…
Et
me
revient
cette
phrase
énigmatique
de
mon
patron
de
Ministre : « On
tue
un
homme,
on
est
un
assassin,
on
tue
des
millions
d’hommes,
on
est
un
conquérant.
On
les
tue
tous,
on
est
un
dieu… »
YOKA
Lye
andreyokalye@yahoo.fr
----------------------------------------------------------------------------------------------
Bibish MUMBU
Que quelqu'un aille leur dire
suivi de
Lettre
au disparu, à l'absent
Mardi
27 novembre 2012, sur le blog de Bibish Mumbu, à
l'adresse:
www.bibishmumbu.com
Que
quelqu'un aille leur dire
Qu’on
est maitre de ce qu’on tait et esclave de ce qu’on dit, de ce
qu’on fait !
Qu’il
leur faut relire le livre, il y a comme des pages qu’ils ont
sautées.
Qu’une
population, c’est des êtres humains, pas une monnaie d’échanges.
Que
leur réunion à Kampala ressemble à une grosse farce, pour preuve
Paul n’a pas daigné se déplacer en personne et a envoyé sa
Louise des affaires étrangères.
Que
la déclaration du clan Joseph d’« écouter, évaluer et
prendre en compte les revendications légitimes » est tout
simplement incroyable… sinon les fonctionnaires devraient créer
un SI72 – le mouvement des 72 mois de Salaires Impayés…pour
qu’on les écoute eux aussi, qu’on évalue et qu’on prenne en
compte leurs revendications légitimes : charges familiales,
épouse et enfants, loyer, électricité, scolarisation, prime
d’ancienneté de service, vacances dues, etc.
Qu’on
ne discute pas avec ceux qui font du mal à notre chair et à notre
sang, à ceux qu’on aime, ce serait leur donner un pouvoir de
légitimation… on leur règle juste leur compte et ça c’est
justifiable dans toutes les cours de justice du monde, même chez
Obama – surtout chez Obama.
Au
lieu de ça, non. Ils discutent, lui négocie, fait le fier et sa
photo fait les unes du monde entier ou presque. Une amie québécoise,
en voyant parler du Congo trois jours d’affilée au journal Métro
de Montréal me disait : « Ça y est, il y a assez de
morts maintenant pour qu’on en parle ici… »
Eh
oui, avec ses troupes, il a pris la ville de Goma et il en est si
fier… Il peut se targuer d’avoir réussi à passer à la télé
rubrique des informations internationales, et son nom – Jean-Marie
Runiga Lugerero - est aussi marqué dans l’histoire, à côté des
autres. Hum ! Triste sort pour le reste de gens, ceux et celles qui
ne font pas partie du mouvement et qui constituait jusqu’à preuve
du contraire la population d’un pays ! Et c’est d’une
indécence que de garder silence…
Tellement
cette situation m’énerve, j’ai mis du temps avant de poster une
nouvelle, puis… je me suis dit de juste reprendre cet hommage sous
forme de correspondance à cet être cher, fonctionnaire de l’État
à son époque…
Lettre
au disparu, à l’absent
Muflor,
Cette
année, j’ai envie de me dévoiler un peu plus et leur parler de
toi.
Pour
qu’ils comprennent cet attachement qu’ils pensent être une
fixation ou même un arrêt dans le temps, certains même imaginent
un refus de vivre… Aujourd’hui, un « bas les masques »
s’impose.
Que
je leur dise enfin que ce côté de moi où je prends le temps
d’écrire et d’inventer un monde me vient de toi, et t’écrire
aujourd’hui est un hommage…
Comme
le fait de vivre, avancer, évoluer, aimer, partager, donner la
vie.
Ta
mort fut un abîme, jadis. Désormais, elle est un puits. Une
source.
On
a toujours tendance à ne dire que du bien de ceux qui sont partis.
Et pour beaucoup, c’est se rattraper sur les ratés et les
non-dits.
Toi,
Muflor, tu as su me donner une essence, des valeurs, il en va de soi
que je te compte parmi mes muses intarissables. Ce que je suis, je
te le dois.
À
quelque chose parfois malheur est bon…
Les
premières années de ta disparition, je me suis souvent demandée
comment j’arriverais à vivre, à tenir le coup, à te rendre ce
qui n’appartient qu’à toi, cet œil, ce dynamisme, cette façon
de tout miser sur une détermination, une certitude, qui faisaient
de toi un bosseur, un idéaliste, un battant. Personne n’a pu
t’enlever ça durant ton séjour à l’hôpital. Personne n’a
pu t’enterrer de ton vivant. Personne ne t’ensevelira dans la
tombe. Certaines choses ne s’achètent pas. C’est très
vrai !
Au
début je refusais ton absence et me bagarrais contre elle. Puis,
j’ai réussi à faire la paix avec moi. Ton absence représente
maintenant une présence pour me rappeler que l’histoire a existé,
que je viens de quelque part, un endroit merveilleux, et qu’il me
faut continuer ma route moi aussi, jusqu’à mon arrêt. Forte de
cela, j’ai su avancer !
Tes
désirs ne rencontraient aucun obstacle. Tu voulais t’extraire de
la réalité, tu pensais que tu avais la vie devant toi, tu étais
quelque peu naïf et d’un idéalisme à couper le souffle, tandis
que la société dans laquelle tu vivais était une vraie jungle. Un
nid de vipères, un panier à crabes. Tes « amis » et
« collègues » se servaient dans la caisse, toi tu
espérais voir les mentalités changer. Du coup, tu étais seul à
être honnête autour de la corruption. Ça faisait tâche et c’est
toi qui avais l’air anormal… Tu n’as pas vécu dans la bonne
époque que je me dis aujourd’hui… En même temps, si tu avais
fait comme les autres, je ne serais peut-être pas en train de
t’écrire cette lettre…
À
quelque chose parfois malheur est bon !
Ton
travail te passionnait, alors que tu semblais indifférent à ton
entourage familial clanique. La famille manche-longue. Ils
venaient sans cesse à la maison réclamer quelque chose, qui du
support, qui de l’argent, qui de l’attention.
Tu
n’avais pas le temps… C’est vrai que tu avais du mal à
décrocher pour prendre des nouvelles de ceux que tu aimais. Ils en
souffraient. On le voyait.
On
ne le vivait pas. Alors on ne s’en plaignait pas. Avec le monde,
tu étais comme caché derrière une certaine difficulté à
exprimer tes émotions, comme si, surtout, tu t’en méfiais. Mais
c’est le contraire qui transparaissait : on te disait
autoritaire et je m’enfoutiste.
Tous
les jours, j’ai des signes de toi.
Est-ce
moi qui les fabrique, ou est-ce ton âme qui m’accompagne ?
De
toutes les façons, je suis une partie de toi, c’est un fait.
Je
vis, je voyage avec ton absence-présence. Y a des choses que je ne
ferais jamais juste parce que je sais, comme avant, que tu n’aimeras
pas. De toutes les vies sombres qu’on m’a prêtées, je n’ai
eu ni le temps ni le loisir d’aller casser la gueule aux
raconteurs. J’ai gardé le sourire – je le garde encore -
jusqu’au bout en me sachant simplement incapable de déshonorer
ton nom… et Dieu merci, ceux qui t’ont connu, qui nous ont connu
avec toi, m’ont fait confiance et continuent de le faire.
C’est
de là que me viennent mes pensées, des mots qui se forment dans le
néant de toi. Te retrouver dans une circonstance, une image, un
souvenir, une photographie. Suivre ta trace dans le vécu, les
conceptions, les valeurs, la musique que tu aimais. Me souvenir d’un
détail, d’une anecdote, d’une étreinte, des phrases que tu
disais, de tes regards. De la manière dont tu voyais le monde.
Regarder des fois avec tes yeux. Repenser à ton sourire.
Chacun
est unique.
Mais
toi, tu l’étais encore plus que n’importe qui, une mélange de
force et de fragilité, de douceur, de violence, de tendresse,
d’indifférence, de présence absolue dans une absence qui pouvait
rendre fou. Tu étais imprévu et maniaque à la fois, libre et
attaché, sauvage et docile ; tu pouvais être si tendre et si dur
parfois. Je te vivais comme un génie que rien n’arrête. Tu
m’aimais. Et, chaque jour, cela me bouleversait.
Tu
avais un caractère fort, si singulier et si impérieux que personne
n’osait t’affronter. Tu disais toujours ce que tu penses,
emballé ou pas. Tu étais plus dur avec ceux que tu aimais, plus
demandant, plus exigeant. Tes paroles avaient une telle force que tu
n’as jamais eu besoin de frapper qui que ce soit… Tu filais
droit vers ton but, sans arrière-pensée, sans retenue.
Tous
ceux qui t’ont aimé pourraient faire un portrait de toi, mais
pour te connaître vraiment, il fallait vivre à tes côtés. Tu ne
laissais rien transparaitre de ta vie dehors. Y avait une grosse
différence entre dehors et dedans.
Et
tu as su nous aimer tous et chacun sans partage, concentration
maximale sur nos qualités, nos talents… c’est pour ça que ton
souvenir restera toujours une source où aller puiser force et
positivisme.
Je
parlerai de toi à mes enfants.
Tout
le temps.
Tes
proches et amis t’appelaient comme ça, Muflor… nous, on
t’appelait juste papa, affectueusement… et Helmut, quand tu
n’étais pas là, évidemment. Puisqu’à notre époque, on vous
affublait de tous les noms du genre, c’était nos codes. Tonton
D., on l’avait surnommé Big B. Chez certains amis, c’était
pire, leur père avait hérité le surnom de leur chien de garde,
Chic Bill. Il ne laissait filtrer aucune entrée ni sortie, même de
ses propriétaires.
Le
plus rigolo, Muflor, c’est que tu savais, qu’on t’appelait
Helmut. Maman dit que tu trouvais ça flatteur. Pour toi, ça
renvoyait à une certaine discipline et un certain ordre que tu
avais réussi à mettre en place chez toi…
…Personne
ne peut savoir à quel instant la mort nous emportera…
Alors
vivons pleinement et sainement.
Tu
feras toujours partie de ma vie, puisque je suis une partie de toi.
Je pense qu’ils l’ont bien compris maintenant. Les gens. Repose
en paix !
…Et
que tous ceux qui reposent avec toi, là-bas, allez dire à ceux qui
s’amusent à vouloir découper la république, qu’ils feraient
mieux de réfléchir avant, ils ne savent pas ce qui les attend...
On
n’est pas des murs, ni des pierres, ni une idée, ni des choses,
mais une population, des personnes vivantes et existantes.
Signé,
numéro six