jeudi 18 avril 2013

Jamais une veuve mariée n'aura été aussi bien entraînée...

Didier de Lannoy

Veuveresse ya bomoyi !

2013
 
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Apparemment négligée par son coquin (très occupé à « désembrouiller » une affaire familiale) depuis près de 3 mois

Jamais une veuve mariée n'aura été aussi bien entraînée
(depuis le 7 avril 2013 jusqu'...


Depuis le 4 janvier de cette année, en effet, son type (« parti à la mine chercher la viande de chasse pour nourrir la famille nombreuse », disti) n'écrivait même plus ! Se serait-il enfui dans l'autre monde ?

Je me fais tatouer des serpents sur les bras et recours à de puissants fétiches qui me permettent d'entrer dans l'autre monde par une porte de sortie. Je me transforme en hippopotame glouton puis en lionne vorace et après avoir capturé tous les poissons du fleuve et
 

- Grand est le Marché ! Mais je n'aurais quand même dû faire attention... ne pas abuser du lotoko et du diamba...  
toutes les gazelles de la savane, je n'arrive pas à dessoûler et ne parviens plus à retrouver la forme humaine...
J'entreprends alors de faire une longue sieste digestive, je parviens ainsi, petit à 

 - Après avoir remis le sorcier au milieu du village !
petit, à me reconstruire et à me reconfigurer. Je prends alors le volant d'une voiture exposée dans un show-room (à Kinshasa, sur le boulevard du 30 Juin), me couche sur la paille au fond d'un wagon à bestiaux (dans une petite gare rurale du Bas-Congo) et j'atterris finalement à l'aéroport de Boma ou (parmi les piétons et les vélos) sur une petite piste en pleine cité de Shabunda. Je me ressaisis derekitima et, sans plus attendre, j'attelle quatre chèvres et deux cochons noirs à la charrette familiale et je pars au marché revendre le produit de ma chasse et de ma pêche. Après avoir tout vendu (y compris les chèvres, les cochons et la charrette), je change à nouveau de camp et, sans plus hésiter, je me transforme en cerf ardennais poursuivi et tracassé par les kuluna des groupes « Mudjahid » et « Câble » (du nom de leurs leaders) qui se disputent le contrôle du Camp Luka dans la commune de Ngaliema ou par les bandes armées de Paul Sadala, alias Morgan, de Cobra Matata ou de Guillaume de la Marck qui érigent des barrières dans la forêt de Nassogne et font payer un droit de passage : 200 FC pour les piétons, 500 FC pour les motos. Encabané par les soudards et les pillards, je parviens à leur échapper en coupant mes liens avec ma bague de mariage. Je me débarrasse de mes bois en vitesse pour pouvoir galoper plus à mon aise et je les dissimule dans les broussailles ou dans une meule de foin. Je déshabille un épouvantail, j'enfile une tenue civile et je pénètre dans le village de Plotomine, un centre de négoce de l'or en Ituri (situé à près de 15 km au Nord-est de la cité de Monbgbalu), où le curé de la paroisse
- Trop occupé à frotter son pénis (comme on gratte une allumette) sur le sexe d'une écolière de 5ème ou de 6ème primaire ! Loué soit le Marché !
me ferme sa porte au nez. Je suis bien obligé de forcer la porte d'un refuge de veuves laïques où ma femme mariée s'était mise à l'abri mes divagations. J'expédie un jet de salive dans le pot de chambre pour faire preuve d'autorité, je me remonte les couilles et, sans état d'âme, je me glisse sous la couette. Je me rend compte alors qu'un personne inconnue

- Qu'est-ce que vous faites ici ? Osala nini ? Vous écrivez quoi ?

prend des notes et trace
 

- Ozali nani ? Qui vous envoie ?
des lignes ou dessine des graphiques sur une pancarte attachée avec une chaînette aux barreaux de mon lit.

 
S'est-il trompé d'aéroport et a-t-il été arrêté arbitrairement, mis au cachot et torturé par des « épieuses » de Barumbu... qui se sont entichées de lui et l'ont condamné à devenir leur esclave sexuel ?

Des épieuses de la commune de Barumbu (alias Ghetto, alias Kazamar), impudiques, des « kamuke sukali » qui portent des minjupes de moins de 30 centimètres (mais conservant toujours, à portée de la main, un pagne de secours au fond de leur sac... de même qu'une bible et 
 - Le Marché est grand mais non sans danger !
une machette ou un cutter), innombrables et voraces, sortent de l'ombre, des « tia foin » qui font rouler leur cul de façon obscène, surgissent de partout (mouches de toilettes publiques, de kikoso ou de cabinets privés), poussent des cris aphrodisiaques, me tournent autour des yeux, des oreilles, de la bouche et des fesses, et 

 - Pssst ! Tozali awa papa, benga ! Goût ya dangeeeeeer !
- Boyokaka soni te ?

me proposent de me vider 

 - Pipe ? Missionnaire ? Mata na mpunda ? les burettes, dans un coin d'ombre, entre deux voitures à l'arrêt... et si je refuse- Oboyi biso !
de leur passer sur le corps, les mouches deviennent
 

- Ozo beta biso cara ? On n'est pas assez bonnes pour toi ?
des crotales (agitant leur bruiteur) ou, plus exactement, des hyènes ou des lycaons... et se lancent à l'attaque, m'assaillent de partout... m'empoignent les organes génitaux et me tordent les rognons... et si je refuse 

 - Oboyi ?
encore d'accomplir mes devoirs, elles 

 - Enculeur de flippers ! On va t'apposer notre marque ! Désormais tu ne pourras plus nous échapper ! Tu nous appartiendras pour toujours ! Loué soit le Marché !
m'assomment d'un coup de tête, me font un double patte et m'étendent pour le compte sur le parking d'un tripot... et relèvent leur minijupe, écartent les jambes et me pissent dans la bouche.


Aurait-il été renvoyé à Zaventem dans une malle-cantine que personne ne serait venu rechercher ? 

Mon corps est resté bloqué à l'aéroport de Zaventem.
Bouclée dans un congélateur fermé à clef, ma
dépouille mortelle y traîne encore, consignée 

 - Loué soit le Marché !
 dans un entrepôt ou une annexe obscure (dont les néons maussades rechignent à s'allumer) parmi les bagages non-réclamés. Aucun(e) parent(e) n'est, apparemment, disposé(e) à se faire connaître... et à payer la somme de 3.500 dollars exigée pour dédouaner un corps
 - Et après ça, il faudrait encore faire passer un avis nécrologique dans la presse, ameuter les gens et enterrer le gaillard en grandes pompes avec des gardes du corps entourant le corbillard ! Et offrir à boire à tout le monde ! Et planter des pissenlits sur sa tombe pour qu'il puisse en grignoter les racines ! Cela représente beaucoup d'argent!
qui ne rapporte plus rien à son entourage familial.

Aucun dévoué débiteur, aucun cher collègue ne cherche à s'inquiéter de ma disparition et à demander ma libération. Aucune concubine et aucun gigolo ne revendique un corps qui ne leur est plus 

 - Ce n'était même pas un bon coup ! Le gaillard payait mal et était plutôt ennuyeux au lit ! Mais le Marché est grand ! Faisons confiance au Marché ! Le Marché saura pourvoir à nos besoins !
d'aucune utilité.

Meuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuunon, j'rigole !
Rien de tout cela ne pouvait évidemment m'arriver ! Ma veuve mariée survenait toujours au bon moment, me coupait les poils du nez et des oreilles, remettait de l'ordre
- Ils partent dans tous les sens !
dans mes sourcils et reprenait les choses en main...


Elle surgissait toujours, les cheveux en bataille, un seul pagne lui couvrant la poitrine, au moment même
-
Keba na yo Papa, je suis une personne libre et tu peux toujours me perdre !
où l'intrigue allait connaître un nouveau rebondissement, au début d'un chapitre, au détour
- Comme une grenouille charmante bondissant hors de la cuvette des chiottes et me mordant cruellement la langue ? Comme une concierge atrabilaire jaillissant de sa loge, faisant de furieux moulinets avec les bras et me passant une engueulade canon ? Comme une paire de fesses sautant en dehors d'un jeans et exigeant bruyamment d'être prises au sérieux ?
- Meuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuunon ! Comme une orchidée se mettant à danser devant le miroir de la rue Maes... et déployant lentement chacune de ses pétales audacieuses et gracieuses... comme une fleur de sel se déposant tendrement sur mes lèvres humides...

d'une phrase ou d'un paragraphe, à mi-échelle ou au milieu d'un gué ou d'une impasse...


Et comment ça va se terminer ?

Na mbeto, kaka !
En dehors du Marché
!


ddl
alias Vié ba Diamba

lundi 7 janvier 2013

Ma femme mariée se rebiffe : elle sera la vivante et je serai le veuf !

Didier de Lannoy

Veuveresse ya bomoyi !

2013
 
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Waooow ! Ma femme mariée se rebiffe : elle sera la vivante et je serai le veuf !
- A mon unique amour, pour saluer sa liberté ! (et à Tchen...)
- Ton amour ou ton core-business ? Nayebi yo ! (qu'est-ce que Tchen vient faire dans cette histoire ?)
- M'enfiiiin, mamouuuuuuuuuuur...
(elle-même le sait !)
 
(depuis le 8 janvier 2013 jusqu'...


D'abord, c'est dans sa tête à lui que ça ne se passe pas trop bien... ou dans ses pieds
 
J'ai un pied qui n'aime pas

- On vit dans le même quartier pourtant, au même endroit, on s'habille pareil, on a les même habitudes, la même taille, la même couleur, on obéit à la même personne, on actionne le même pédalier, on marche sur les mêmes trottoirs, on grimpe à la même échelle, on joue la même partie de foot, on saute à pieds joints dans les mêmes flaques, on est affilié au même syndicat, on travaille pour le même gang...
l'autre !
Ni l'autre l'un.

Ils vivent ensemble, comme ça, depuis toujours... Et pourtant, pourtant, pourtant... depuis quelques temps et je ne sais pas pourquoi... mes deux pieds ne s'entendent plus, ne veulent plus se voir, ne supportent plus de se toucher...
Mes deux pieds se ressemblent et se détestent. Et ils se détestent particulièrement de se ressembler tellement. L'un est arrogant et l'autre méprisant. L'un dédaigne l'autre et l'autre mésestime l'un. L'un se moque et l'autre nargue.
Ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'ignorer ou pour s'éviter... pour ne pas se retrouver à le même hauteur
- Et pourtant, je fais tout pour éviter les disputes... Je m'assieds en mettant la jambe gauche sur le genou droit ou la jambe droite sur le genou gauche (comme on croise les doigts pour éviter les problèmes, en mettant le majeur sur l'index)... J'ai même essayé de dormir les jambes écartées...
mais ils s'attirent, s'aimantent... et finissent toujours par se retrouver... côte à côte, dans le même lit, sous la même table, sur la même bicyclette... et
- L' horreur !
par se toucher et recommencer à se détester.

Ils ne s'affrontent pas directement 
- Chacun sachant que la chute de l'un pourrait provoquer la chute de l'autre !
mais, quand personne ne les regarde (à table, pendant le déjeuner), ils n'arrêtent pas de se donner des coups, de se chamailler et

- Massacreur de rêves ! Désenchanteur ! Tu as filouté mes talents et éventré mes illusions ! A cause de toi, le jardin de mon enfance est devenu une décharge publique, un champ de détritus ! Tu m'as volé ma liberté alors que je suis fan de ma liberté !
- C'est quoi ça pour un cahier de revendications ? De quoi tu te plains encore ? J'aiiiiiiiiiiime ta liberté !
- Oui, en me la volant !
- N'importe quoi ! Rien de plus sérieux ?
- Je te reproche aussi... que tu veux toujours "monter" alors que je voudrais rester au salon, écouter de la musique, danser !
- Toi alors ! Moi aussi je peux te reprocher pleiiiiiiiin de choses... par exemple de ne jamais lire ce que j(e t)'écris !
- Des textes dans lesquels tu nous déshabilles ?

- Il n'y a pas de mal à ça, oh ! On est des spéciaux ! On n'est pas des typiques et on n'est pas des moches ! Et tu es toujours aussi belle, non ? Cultivons notre différence ! Et puis, je ne nous déshabille pas, je...
- Cesse de fanfaronner ! Je ne suis pas mariée "pour toujours" ou "à durée indéterminée" ou "à un seul homme dans la vie" ! Depuis le début, notre couple fonctionne au contrat, non ? Une  convention renouvelable ou non, avec cahier des charges, détermination des échéances et des conditions d'exécution du marché... à savoir, pour l'essentiel, que je ne te suis jamais acquise et que tu dois toujours me conquérir ! Et ce n'est pas en écrivant tes bêtises que tu y parviendras ! Et d'ailleurs, tu ne m'as même pas dotée et je ne suis pas ton bien ! Keba na yo Papa, je suis une personne libre et tu peux toujours me perdre !
- M'enfin, petite chérie, je ne dévoile pas les secrets de notre Palais, je ne trahis personne, je nous mets simplement à l'abri des rumeurs malveillantes, je nous bliiiiiiiiiiiinde !
- Ouais, ouais... je me comprends ! Et quoi encore, quel autre reproche ? Qu'est-ce que tu vas encore inventer ?
- Je te reproche également... de ne plus me sourire quand je te regarde...
- Sans effet ! ... Et arrête de me surveiller, flicard !
- Et toi alors ! Agitée, femen, voyoute, mouvementeuse ! Tu veux toujours viiiiiiiiiiiiivre... boire et causer, bouger, fumer, nager, bronzer, danser, surprendre les chevreuils dans la forêt de Soignes et les cerfs ou les sangliers dans la forêt de Nassogne, passer en boucle les disques de Nina Simone (qui a eu raison de quitter Jacques Brel) et d'Amy Jade Winehouse (qui n'a pas eu raison de cesser de boire), aller voir les copines, passer la soirée à Inzia, jouer au scrabble, planter des tomates et regarder pousser tes courgettes et (je n'arrive pas à voir la différence) tes concombres !
- C'est bien ce que je pensais !
- Quoi ça encore ?
- Que tu n'arrives pas à distinguer une courgette d'un concombre !
- Et alors ?
- Cela veut dire que tu ne t'intéresses absolument pas à ce que je fais ! Et d'ailleurs, depuis que tu es devenu sourd et que tu ne peux plus ni boire ni fumer, tu es devenu carrément insupportable... grognon, autiste, impossible à contenter... et totalement incapable de vivre en société !
- Peut-être... mais je ne peux certainement pas me passer de ta compagnie ! Encore moins qu'avant !
- Et ma liberté, tu la mets où ? Je veux bien être ta veuve mais je ne suis pas ta morte ! Indépendance cha-cha !
- Alors que nazali vrai colon te ! Coopérant kaka ! Yo vraiment ! Oh !
 

- Arrête de rigoler, tu m'vénères !
de s'insulter méchamment. Et aucun d'eux ne veut jamais rien céder. Et pourtant, quoi qu’il arrive... ces deux-là s’aiment toujours et ne peuvent pas se passer l’un de l’autre!

Ensuite, c'est dans la sienne
Et ça s'enchaîne.

Un jour qu'elle était vraiment de trrrrrrrrrrrès mauvais poil, ma fée m'a dit qu'elle m'avait menti

- Je t'ai toujours menti ! Depuis le début ! J'ai toujours fait semblant ! Quand tu me prenais dans les bras, j'avais envie de vomir !
et pourtant elle ne m'a jamais quitté, non ? Et nous sommes toujours
- Très bien , non ?
- C'est toi qui le dis, foutriquet !

ensemble, non ? Et moi non plus, je n'ai jamais 

- Pas de nzonzing ni de nzing-nzong !
- Rien d'étonnant à ça ! Keuf keuf keuf* ! Qui d'autre que moi pourrait supporter tes sarcasmes et ton désabusement ? C'est dangereux, très destructeur et contagieux, ces engins-là ! Et cesse de rigoler tout le temps quand je te parles très sérieusement, tu m'énerves !

changé de fidélité, non ?

Nzambe, quoi ! Je n'ai jamais été pris en flagrant délit d'adultère par un bedeau ou par des acolytes dans l'arrière-boutique d'un presbytère, un dimanche matin, à l'heure de la grand-messe, en compagnie de la femme 

- N'essaie pas de me raconter encore des histoires!
du curé de la paroisse, une créature du diable, une sauvage, une enragée qui, se sachant enceinte et 

- Tu n'es même pas drôle !
cherchant à me faire endosser la paternité de l'enfant qu'elle portait, m'avait tendu un piège pendant que son mari bossait et tondait ses brebis... et s'est mise à hurrrrrrrrrrrrrler au viol ! Je n'ai jamais dû attendre que la nuit soit tombée pour que l'émeute se calme et que la populace chrétienne se disperse et 

- Cesse de voler, de trafiquer et de déformer les histoires des gens ! Cesse de me raconter des histoires qui se passent dans l'Iowa ou dans le Bandundu !
que les forces de l'ordre me sortent de cet embarras ! 


Aucune patronne ne m'a jamais non plus trouvé
- Oooh, ce pantalon trop moulant, surtout au niveau des couilles et du popotin ! Ce t-shirt trop collant qui met si bien les pectoraux en valeur !
trop sexy et, après en avoir discuté avec son mari et 

- C'est comme avoir un calice d'hosties consacrées à portée de la main, mon Père, et ne pas pouvoir communier... à cause d'une prétendue allergie au froment ! C'est comme avoir un pot de pili-pili sur la table et s'interdire d'en mettre dans son assiette ! C'est intenable, intolérable, inacceptable !
son confesseur, ne m'a jamais licencié  
- Veux-tu bien cesser de me raconter des histoires, douchka ! Qu'elles se passent à Des Moines ou à Masi-Manimba, tes histoires ne m'ont jamais fais rire !
au motif que je mettais son ménage en danger.
 
Bon, d'accord ! L'amour ce serait donc une pathologie sociale à laquelle on
- On monte, ma fée ? Je suis fatiguéééééé !
- J'ai envie de te tuer quand tu me dis que tu es fatigué ! Je ne supportes plus que tu sois fatigué... et que tu veuilles tout le temps « monter » !
- M'enfin, ma fée, pourquoi tu me dis des bêtises comme ça ? Tu ne pourrais pas être un peu plus gentille ?
- Je ne suis pas ta fée et je ne suis pas gentille ! Cesse de m'insulter !
- M'enfin, ma douce...Tu te souviens, dans le temps, comment tu me portais dans les moments difficiles... comment on se soutenait l'un l'autre... comment on barrait tous les coups... et comment on les rendait !

- Keuf keuf keuf ! Je ne suis pas le repos du guerrier... d'un retraité nostalgique et larmoyant !
- M'enfin, mon tendre amour, mon bel amour...
- M'enfin quoi ? Et tu veux que j'te dise ? Tu devrais cesser d'essayer de m'être agréable, tu ne sais pas t'y prendre ! Et tu ne peux pas savoir combien ça m'énerve  !
- Pas même un peu de tendresse ? On ne se regarde plus ? On ne se sourit plus ? On ne se touche plus ? On ne se donne même plus la main ?
- Douchka est en demande de bisous, c'est ça ? Comme un tout petit garçon, c'est ça ? Mais je lui ai acheté du steak (en promo), de la minarine, le Monde diplomatique et le Courrier international et de la confiture de myrtilles (et je lui ai même volé une dizaine de bouteilles de vin de messe et j'aurais pu me faire choper !) chez Delhaize, non ?
  Et  du roll-mops, du lait et des yaourts, un carton de boîtes de jus de pommes, des pâtes, de la crème à raser, du papier de toilette et autres "produits de première nécessité" à Aldi, non ? Cela devrait suffire à son bonheur, non ? Et je lui ai même préparé une salade de tomates ! Avec du citron, de la coriandre et de la ciboulette ! Et sans huile encore ! Le monsieur n'a vraiment pas à te plaindre  !
- Mais je ne me plains pas !
- Tu n'arrêtes pas, pleurnichard  ! Tu es le pauvre petit malheureux et, moi, je suis la vilaine et méchante sorcière ! A quoi tu joues ? Je ne suis pas ta maman !
- M'enfin, Mère...
- Et ne me tourne pas le dos pendant que je te tue ! Et cesse de m'appeler Mère ! Et arrête de rigoler stupidement quand je te t'enfonce un couteau dans le coeur (et que je brasse et que je touille...) et que je n'en peux plus et que je te foudroie (et que je te lapide et que je t'empale et que je te dézingue et que je te garrotte et que je te raccourcis...) !
- M'enfin, ma fée... Sache que je suis, pour toujours, ton prince charmant, ton mari prévenant, et fidèèèèèèèle...
- Tu ne m'as jamais trompé, d'accord... mais tu ne m'as jamais non plus satisfaite ! As-tu jamais cherché à me faire vraiment plaisir ? A me faire... ou à m'offrir ce que, moi, j'aime ! Tu ne m'as même jamais offert un voyage à Cuba alors que j'en rêve depuis toujours ! Et si tu savais le nombre de fois où je suis descendue aux toilettes, en cachette (tu croyais j'étais partie à la cuisine ou à la salle de bains), pour que tu ne me voies pas pleurer...
- M'enfin, tu es ma femme... ma petite princesse adorée, tout de rose vêtue...
- Je suis républicaine ! Et je suis rouge, pas rose ! Je déteste le rose !
- M'enfin...
- Tika ngai ! Tu fais chier !
- M'enfin ! On ne peut même plus monter de coups fumants ensemble ?
- Stop, je te dis ! Je n'ai pas envie de poursuivre cette conversation ! Et si tu n 'es pas d'accord, tu peux toujours divorcer !
- Divorcer ? Jamais, ma douce ! On ne scie pas la branche de l'arbre à laquelle on s'est pendu !
- Libertééééééé !
- Et si je disais simplement... que... que je ne peux pas vivre sans toi ?
- Tout de suite les grands mots ! Tu ne m'as pas compris: nalingi natikala libre lokola motema elingi !
- Et si je te disais que je t'aiiiiiiiiime ?
- Gnagnagna, tu compliques tout ! Et tu m'en demandes beaucoup  trop ! C'est très dur à porter pour une personne seule ! Indépendance cha-cha ! Tu ne pourrais pas te prendre une copine, non ? Même à mi-temps ? Cela ne te fatiguera pas trop et ça me soulagerait un peu ! Je pourrais même t'aider à en trouver une, si tu n'y arrives pas tout seul...
finit par se résigner ? 


L'amour est-ce aussi une maladie qui s'attrape à l'usure ? Et qui se transmet également par l'amertume et le dégoût, les privations et les frustrations, les cystites et les cancers, les lassitudes et les manigances, les crampes et les élancements, les fureurs et les ressentiments, les suées et les braillements ? Et si, parfois, ça dure toujouuuuuuuuuurs, sans doute est-ce parce qu'il vaut mieux finir son existence dans les pantoufles qu'on a aux pieds depuis longtemps, à l'abattoir que l'on connaît, là où on a ses meilleures habitudes ? C'est ça la vie des couples ? C'est toujours comme ça que ça se passe ? L'amour c'est aussi
- Je te l'ai déjà dit cent fois mais tu n'as jamais voulu m'écouter, douchka ! Tu m'exaspères !
- Tu me détestes autant, ma fée ? Tu ne m'aimes plus ? Tu ne m'as jamais aimé ?
- Je déteste les gens que j'aime ! Et je déteste aussi le ciel quand il est gris ! Je voudrais être vivante et que tu sois le veuf !
- M'enfin...
-
Cette conversation est terminée !
quand on chie dans les mêmes toilettes ?


Bon, on ne se comprend plus ? C'est un problème d'intelligence ou d'audition ?

 
Les valises et les télévisions explosent. Les gâteaux d'anniversaire et les femmes enceintes explosent. Les portails de sécurité, les canots et les bouées de sauvetage, les trousses de secours et 

- Et même la guitare de Franco et le  saxophone de Verckys, sur scène, en pleine course au pouvoir !
les parachutes ventraux explosent. Les ambulances et les corbillards explosent. Les pierres tombales et les fosses septiques explosent. On tire au bazooka ou au fusil mitrailleur sur un noyé qui refuse de sombrer. On lance un missile sur un cercueil qui refuse d'aller au cimetière. On vide le chargeur de son revolver 

- Ooh ooo !
sur un tireur de vin de palme qui tarde 
- Alors que le peuple a soif !
à descendre de son arbre.

Tout pleut ! Les oiseaux tombent du ciel.
Il pleut des grenouilles, des chauves-souris, des chats et des chiens.
Et plus personne ne les ramasse.
Il pleut des chaises roulantes, des voitures d'enfant, des paires de lunettes, des pieds coupés et des mains tranchées
Des poubelles et des toits en tôle s'envolent. On tient les enfants en laisse et on attache les vieux à des piquets


Et alors, au final, on fait quoi ?

Elle m'envoie à Kinshasa... pour y passer l'hiver dans un pays différent... sans hiver et avec plein de copains et de copines et
- Je sentais ça venir !
ne m'y rejoint pas !

Et je dois bien constater que le veuvage lui va fort bien à ma femme mariée, cela la rend complètement anaphorique... elle n'arrête pas
- C'est quoi encore ce bord-là ? Elingi koloba nini ? Elle te trompe avec une amphore ? Loba nainu !
de faire des anaphores...

Moi, veuve d'un vivant, je ne vais pas me casser le cul pour exister, passer des coups de fils, créer l'événement, envoyer des dépêches d'Olm ou
- Je ne sais même pas ce que c'est ni comment ça s'envoie ni à qui !
des tweeds à La Rochelle...

Moi, veuve d'un vivant, je resterais bien trois semaines dans ma chambre, sous la couette, sans même me laver, sans faire de courses  ni recevoir
- Sauf ma petite-fille Loïle, venue me donner des bisous... et faire un gâteau !
personne...

Moi, veuve d'un vivant, je suis fan de ma liberté et je ne suis pas fatiguée
- Mais j'exige quand même de pouvoir changer de rôle : que je sois la vivante et que lui soit le veuf !
de me retrouver célibataire...

Moi, veuve d'un vivant, j'irais bien passer quelques jours au soleil, toute seule, sans mari ni compagne, sans maîtresse ni amant, sans
- Je m'en ferai là-bas !

poteaux ni frangines, hors circuit, libre de tous mes mouvements et de toute ma pensée, sans accompagnateurs, guides touristiques, directeurs de conscience ou commissaires politiques, à La Havane
- A l'hôtel Lido, à 30 cub la chambre (d'après Mohamed) ? Je trouverai certainement moins cher ailleurs, dans une pension de famille ou directement chez l'habitant !
avant que le vieux Fidel ne disparaisse et, avec lui, mes dernières illusions, le rêve d'une société réellement libre, égale et fraternelle... dans laquelle le soleil, la rumba et toutes les couleurs du monde trouveraient enfin leur place...

Moi, veuve d'un vivant, je vais pouvoir tout faire ou ne rien faire du tout, tout me permettre ou ne rien m'autoriser, danser
- Jusqu'à pas d'heure !
danser, danser, danser, danser, danser devant
- Jusqu'à ce qu'il s'use, qu'il fonde ou qu'il entre en fusion !

le miroir, me maquiller ou me barbouiller la figure, mettre des talons ou des baskets, porter une nouvelle vieille robe ou un nouveau jeans de deuxième cul, jouer au scrabble avec Alain ou faire du jardinage avec Malou et Marychelo, passer dire bonjour à (et papoter
- Et kotonga batu, songuer-songuer ?
- Jamais !

avec) Shayla ou Rachou ou Ileke ou Sinatu ou la Mère Anto  (et sa maman), envoyer des mails (de trois lignes seulement) à Tchen ou à Agnès, téléphoner à ma mère (ou lui demander de m'appeler parce que, pour elle, de Paris à Bruxelles, c'est ofele... et que je dois faire des économies pour pouvoir me payer l'avion) ou terminer la soirée avec Monique... et voir le jour se lever à Inzia...

Moi, veuve d'un vivant, j'insulte
- Miyibi !
copieusement les dealers de la rue de la Paix... qui s'installent
- A 850 euros seulement ! D'accord, les portes ne se ferment pas bien... mais elle roule !
dans ma nouvieille voiture pendant que je picole à Inzia, avec Monique, et me piquent une cartouche de cigarettes qu'Alain vient de me ramener de Lomé et
- Mais je ne peux pas dire quoi ! C'est vraiment très grave ! Et je suis furieuuuuuse !
autre chose encore...

Et comment ça se termine tout ça ?

(Plutôt) bien et (presque) équitablement.
En janvier 2013, tous les deux seront veufs et tous les deux seront vivants.

Lui sera toujours à Kinshasa et elle
- Ainsi donc, je ne serai plus la seule veuve et lui ne sera plus le seul vivant !
partira à La Havane... bronzer et
- Je ne vais quand même pas passer tout mon temps à visiter la maison de José Marti (qui est, certes, un héros national... mais qui n'était quand même pas un coupeur de cannes à sucre !) ou la prison circulaire de l'île de la Jeunesse, à planter du café et des ananas aux environs de l'ancien Campamento Cinco de Mayo... ou, en cas de cyclone dévastateur, à me réfugier dans un abri anti-américain !
danser, danser, danser
- Oh ! Avec qui ?
- Avec tout ce que je trouverai sur place, douchka... avec tout ce qui bouge bien  des pieds, des jambes, de la tête et des épaules et, surtout, des hanches et du popotin... et qui danse avec respect ! Des produits locaux, pas des touristes, sois rassuré ! Ou même avec des miroirs ! Même concaves, même convexes, même piqués ! J'ai voulu partir avec ma bague de femme mariée mais, à l'aéroport, le détecteur de métaux l'a découverte et j'ai dû m'en débarrasser !
- Lokuta na yo ! Tu n'as jamais eu de bague de femme mariée ! Et ça fait longtemps que la page 4 de ton livret a été déchirée !

danser, rêver à un autre monde, danser... et soutenir Fidel et soutenir (ou se rendre à son matanga ?) Hugo !

Elle et lui se retrouveront à Bruxelles !
- Tout sera comme avant ? On va recommencer à faire des bébés ?
- Pimpon pole... mundele madesu ayei ? Keuf keuf keuf ! Juste avant qu'on ne t'attache une étiquette au gros orteil ? Tu as encore du jus ?
- On va se taper douze mongonzo (à deux) tous les soirs, on va causer (à deux) jusqu'à l'aube...
- Tu oublies que tu es sourd et que tu ne peux plus boire aucune boisson alcoolisée !
- Bon, bon, d'accord ! ... On monte ?
- Ebandi lisusu ! Il n'a toujours rien compris et il ne comprendra jamais rien ! Ngai mawa trop ! Mokili pasi !
Au printemps ! Parce que, quoi qu’il puisse leur arriver à ces deux-là
- Hum... si je puis me permettre d'entrer dans votre relation très particulière... peut-on dire à présent, sans risque de se tromper, que, hum... votre relation  tellement particulière est, hum...  devenue "tricontinentale" ? Ne relève-t-elle pas plutôt, hum... si je puis me permettre, du commerce triangulaire ?  
- Ngo ooo ! Congo na biso eee, bana basi bayebi kolata...
- Ngo quoi ?

- Laisse béton, mundele !
à Kinshasa, à La Havane comme à Bruxelles... ils s’aiment toujours... et  
- Encore mieux qu'un couple, une association de malfaiteurs (disait Jipéji) !
ne peuvent pas se passer trop longtemps l’un de l’autre sans trébucher ou se casser la gueule dans l'escalier... et finir par se faire alpaguer et embastiller par les flics de la bonne vie, de la bonne gouvernance, du bon camp, du bon plaisir du prince, de la bonne ligne du parti, de la bonne mesure, de la bonne pensée,
des bonnes raisons, du bon usage, du bon aloi, de la bonne croyance et du bon dieu (tel que figurant dans la sainte bible ou le saint coran ou même dans la torah ou l'avesta ou ce chef-d'oeuvre de littérature religieuse qu'est le kama-sutra), du bon goût, de la bonne chair, des bonnes moeurs et des bonnes manières, des bons du Trésor ou du sent-bon !



Et, en attendant, la rue Maes, c'est comment ? 
En crise et à l'abandon ?
Meuuuuuunon, Lianja (alias Mobali ya Malika) et Raymond Nzanga n'envisagent pas de déménager tout de suite. Ni même Sonia Mouaffou Cabezas... pourtant réfrigérée... pourtant attaquée alors qu'elle revenait, à pied, vers 22h, du bistrot-terrasse de la place Flagey où, ayant fui le chômage en Espagne, elle avait enfin retrouvé du travail... pourtant balafrée, tailladée et défigurée par un taré, armé de tessons de bouteille, complètement allumé et
- Un fou de Dieu ?
- Tous les Dieux rendent fous !  
fanatisé, qui lui reprochait de servir de la bière... C'est ignoble, horrible, terrifiant !

Mais il se passe aussi, rue Maes, d'autres aventures, beaucoup plus riantes et tout à fait réconfortantes.
On y trouve également, rue Maes
- Un nouveau couple se jette à l'eau ! Des djeuns !
Sukina et Kevin... 
On leur fera confiance ! Ils  nous feront l'avenir ! En mieux !



ddl
alias Vié ba Diamba


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* Keuf keuf keuf ?
Ben oui ! La toux de la veuve mariée qui continue de fumer... alors que son bonhomme 

- Parti à la mine, chercher la viande de chasse pour nourrir la famille nombreuse... comme chacun sait !
de mari ne peut même plus crapoter, oh !





dimanche 6 janvier 2013

YOKA LYE MUDABA - Histoire et actualité: "4 JANVIER 1959 à Kinshasa : les mythes populaires" et " BONANA : Vivres et poulets… « bancarisés » !"


Didier de Lannoy

Le texte qui suit aurait évidemment dû être posté sur le blog de Jodi (Lettres d'information) mais, une fois de plus, Overblog (avec le complicité de Standard Telecom) m'a fait des embrouilles si bien que
- Cela devient une habitude ! Ils vont finir par perdre ma clientèle !
j'ai encore été obligé de me réfugier sur Blogger, dans une parcelle de Mwana Danzé, alias la Veuve mariée ...

 

Veuveresse ya bomoyi

2013 
Quelques autres fronts (actifs ou désactivés) :


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Faits de société (Ana et le Congo, série 4), cliquez sur http://anaco3.overblog.net
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Recteur de l'Institut National des Arts, certes, mais avant tout écrivain...
YOKA LYE MUDABA
vient de rédiger et publie, aujourd'hui même, à Kinshasa, dans le quotidien Le Potentiel


4 JANVIER  1959 à Kinshasa : les mythes populaires


de même que sa dernière « confidence de chauffeur de ministre »



BONANA : Vivres et produits... "bancarisés" !




Je
Deux « livraisons », je suis gâté : les mythes populaires se rapportant aux « événements » du 4 janvier 1959 et un « confidence de chauffeur de ministre » sur la bancarisation !
Ce dernier texte est un très beau cadeau que j'ai 

- Tout comme un certain nombre d'amis, évidemment !
reçu de Yoka Lye Mudaba pour la nouvelle année (après 2012, année de la « bancarisation »... moyen efficace de lutter contre « le management par la dîme », on peut espérer que 2013 sera l'année des comptes, à la place des poches, bien remplis ?) Et internet me permet de multiplier ces deux textes (comme les pistolets, les croissants, les petits pains au chocolat... ou les kwangas des Evangiles ?) et de les redistribuer à tout le monde... tout en les gardant pour moi tout seul ! Je ne vais quand même pas laisser passer l'occasion ! E bongo !

diffuse



ddl
alias Vié ba Diamba

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4 JANVIER 1959  à KINSHASA : LES MYTHES POPULAIRES

Les faits historiques qui entourent les émeutes du 4 janvier 1959 sont trop connus pour qu’on y revienne : d’ailleurs tout le week- end passé, des commentaires en tous genres ont tenté d’illustrer l’événement. Mais dans ces commentaires la part des mythes populaires est inexistante. L’histoire, n’a-t-elle pas parfois besoin de mythes pour consolider foi et devoir de mémoire ?

  1. « Dipanda »
Un des mythes de base entretenus à la fin des années 50, années effervescentes d’avant-indépendance, c’est celui de « dipanda mediate », déformations paradoxales d’ « indépendance immédiate ». En 1959, sans doute à cause des surenchères politiciennes, l’ « indépendance » avait été perçue par le commun des Congolais comme l’épiphanie, comme un changement magique des rôles, le Noir remplaçant le Blanc, et le petit peuple accédant au bonheur clés en mains. A ce titre l’histoire de la RDC est ainsi jalonnée de mythes en trompe-l’œil, tels « démocratie » (devenue « démon-cratie » au fil des déceptions), « changement radical », « révolution », « développement », etc.

  1. « Roi Kasa »
L’histoire de notre pays est aussi jalonnée d’élans messianiques plus ou moins porteurs, notamment chez le peuple kongo : mythes rédempteurs de Kimpa Vita, d’André Matsoua, de Simon Kimbangu, etc. Tout au long des années 50, Joseph Kasavubu, président de l’Association des Bakongo (ABAKO), apparait comme le plus radical des hommes politiques congolais face à l’administration belge. Plus radical même que Patrice Lumumba. En 1959, pour les Bakongo, Kasavubu, « roi Kasa », est un nouveau messie. Que d’anecdotes autour de sa personne ainsi que de ses faits et gestes politiques ! Traqué par la police coloniale, il apparait aux yeux du peuple comme un Simon Kimbangu passablement thaumaturge, qui disparait et réapparait comme un génie, donnant ainsi du fil à retordre à la Sûreté belge.

  1. Magie et force vitale populaire
L’un des moments vraiment embrayeurs de la révolte populaire du 4 janvier 1959, la toute première du genre à Léopoldville depuis la colonisation, c’est la conjonction d’un double mécontentement dans le périmètre de l’actuel quartier Matonge : celui d’une part des militants de l’ABAKO déçus par l’annulation du meeting politique de Kasavubu et de ses alliés ; et d’autre part celui des supporters de la très populaire équipe de foot-ball, V.Club, battu de façon inattendue, ce même dimanche 4 janvier 59, par un adversaire pourtant à sa portée, l’équipe Mikado. Les deux marées humaines de déçus ont alors déferlé sur le Rond-Point Victoire et ont fusionné, avant de se propager comme poudre à canon dans les quartiers environnants, détruisant au passage tout ce qui ressemblait de près ou de loin à quelque vestige colonial : édifices religieux et civils, ainsi que leurs contenus ; poteaux de signalisation, espaces de loisirs réservés aux Blancs, etc. Les Kinois se souviennent de ces anecdotes insolites relatant l’immense force destructrice de « nains », de « djinns » et autres zombis dénudés, sortis droit des cimetières et de l’au-delà, afin de prêter main forte, de façon exceptionnelle, aux émeutiers déchaînés. Ce sont ces « esprits » de l’au-delà qui auraient causé les plus grosses casses. Comme quoi la revendication de l’indépendance et l’expérience alors éprouvée de la supériorité du Noir sur le Blanc ont été galvanisées par les ancêtres eux-mêmes. Le soir de ce dimanche tragique, au moment où la Force Publique alertée traquent les émeutiers et tirent à balles réelles dans la foule, ces « nains » invincibles n’ont-ils pas allègrement neutralisé et dérouté ces projectiles meurtriers ?

  1. La revanche du Blanc par la magie de la technologie
La riposte de la Force Publique s’est manifestée en deux phases : riposte musclée manu militari, faisant de nombreux morts et blessés ; riposte par la manipulation médiatique : les populations kinoises ont été en effet convaincues qu’en représailles aux pillages commis par les Noirs, les Blancs venaient de mettre au point une machine sophistiquée qui détectait à la seconde non seulement tout objet mal acquis, mais aussi, tel un chien flaireur professionnel, tout pillard suspect. D’où le quadrillage systématique et manu militari des quartiers « chauds » comme Kinshasa, Barumbu, Renkin, Dendale, Foncobel, etc. D’où la restitution d’autant plus empressée d’un certain nombre d’objets pillés, que des nouvelles alarmantes de malédictions ont commencé à circuler : qu’un pillard qui s’était affublé d’une soutane d’un prêtre missionnaire est aussitôt devenu fou. Qu’un autre pillard qui avait ingurgité quantité d’hosties volées à la sacristie de l’église Saint Pierre de Kinshasa a vomi du sang en abondance jusqu’à l’hémorragie totale. Qu’un troisième pillard qui avait subtilisé des fonds d’un tiroir-caisse de la procure paroissiale a vu sa maisonnée être envahie complètement, tel un cauchemar, par des billets de banque se reproduisant à l’infini. Le pillard serait mort étouffé.

  1. Totem et tabou
Pour se protéger contre toute cette répression policière, les militants de l’ABAKO ont trouvé dans les traditions totémiques des boucliers apparemment imparables. L’un de ces boucliers magiques n’était autre que le « N’kodia » (coquille d’escargot), à la fois armoirie et symbole de l’ABAKO. Ce totem prenait du coup chez les militants traqués par la police valeur d’amulette et de fétiche protecteurs. Beaucoup d’entre ces militants n’affirmaient-ils pas aux jeunes Kinois que nous étions, que lors des fouilles serrées et tatillonnes de la police dans les quartiers « chauds », il suffisait de porter au cou l’amulette « N’kodia » pour disparaître mystérieusement de la vue des policiers. Comme un fantôme !

En fin de compte, l’histoire du 4 janvier 59 retiendra qu’hier comme aujourd’hui, « radio-trottoir » reste à Kinshasa un puissant moyen de communication et de mobilisation. Maintenant aux historiens et aux anthropologues d’interpréter à leur juste valeur les interférences entre souvenir et mémoire, entre mythe et réalité. Je conclus comme ces deux journalistes belges, Jacques Marres et Pierre De Vos dans leur ouvrage commun, « L’équinoxe de janvier », véritable journal de bord des évènements de cette journée fatidique ; s’inspirant de G. Apollinaire, ils ont dit avec lui : « Bien voir au-delà, tout voir, de près. Et que tout ait un nom nouveau. »

YOKA Lye


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Confidences du chauffeur du Ministre

BONANA : Vivres et poulets« bancarisés » !

Branle-bas devant les banques en la veille et au lendemain des fêtes de fin dannée (et qui, je rappelle, ont failli être celles de la fin du monde, neussent été quelques anomalies techniques au niveauastral et céleste). Ce matin, en passant devant un certain nombre de banques aussi bien à la cité quau centre-ville, mon patron le Ministre des Affaires stratégiques ( à prononcer avec respect) a été surpris et même quelque peu déçu. Pourtant, lui avait donné sa parole dhonneur la télé nationale répercutée par radio-trottoir, radio-télé-gueules et télé-couloirs), que tous les agents, quils soient den-haut-en-haut ou den- bas-en-bas, tous absolument devaient être payés avant les fêtes. Et par « bancarisation » obligatoire. Mon patron ne comprenait donc pas ces affluences indisciplinées devant les banques. Jai respectueusement expliqué à mon ministre ce que nous les chauffeurs appelons « effet-entonnoir », prenant ainsi exemple sur les embouteillages de la ville : il sagissait du fait que tous ces fonctionnaires ont tous été payés au même moment et aux mêmes endroits. D ces embouteillages dagents, den-haut-en-haut ou den-bas-en-bas, devant les guichets. Jai alors raconté à mon patron de ministre lincident qui a failli me coûter le divorce davec ma femme à cause de la bancarisation. Ah ! la bancarisation ! Ma propre femme ne me croyait plus : chaque matin, cétaient les mêmes palabres parce quil me fallait absolument lui laisser de largent liquide pour la popote de la journée, et au prix elle lexigeait. Javais beau lui expliquer quaujourdhui cest indécent pour tout chauffeur civilisé davoir sur lui de largent liquide, wapi, pas question ! Quen chauffeur de ministre première- classe, la mode était aux chéquiers et à la puce pour distributeur bancarisé, wapi, pas question ! Javais beau lui expliquer que tout est bancarisé : que les vivres, croupons de dindons et riz pour les fêtes, sont bancarisés ; que les primes de gratification de fin dannée sont bancarisées, que les « banquesLambert » et autres prêts à usure sont bancarisés, que les tournées de bière au nganda-bar sont bancarisées, que les dîmes au temple du pasteur sont bancarisées, wapi, pas question ; elle ne me croyait pas. Aussi bien, lautre jour, veille de bonana, a-t-elle cru bon farfouiller dans mes poches pour surprendre quelques francs ou dollars cachés. Entre nous, chuuut ! elle a un peu raison, la chère épouse, puisque le mois passé, malgré mes explications sophistiquées sur la bancarisation tous azimuts, elle avait découvert au fond de mes chaussettes une petite réservestratégique de dollars. Cétaient, oui, des dollarsstratégiques qui me servaient dintervention rapide, ou descapade  en cas de « quest-ce-que-cest » (comme disent les Kinois). Et, à loccasion de cette découverte félonne, mon épouse avait alors explosé: « Ah ! Espèce de caméléon, cest donc ça, la bancarisation ? ». Depuis lors, lépouse attrape de lurticaire dès que je prononce le mot de « bancarisation ». A un moment, elle a même cru que cétait le nom de code de quelque « londonnienne » camouflée, et a menacé de maccuser à mon patron de Ministre. Donc, la veille des fêtes, elle a exigé daller elle-même à la banque et ma confisqué ma carte de crédit pour distributeur bancarisé. Elle ma dit quelle allait y retirer ce qui restait de primes de gratification, mais surtout de vivres de fêtes, testicules de chauves-souris compris. Jai eu beau lui dire que la bancarisation avait ses règles, que sans code secret bancarisé, elle ne pourrait pas entrer en possession des dollars ou francs bancarisés ; wapi, pas question ! Jai entretemps sacrifier à la ponctualité à laquelle mavait soumis lexercice de ma profession de chauffeur de ministre et faire avec ma femme un détour par le distributeur du quartier. Trop de monde ! Jai donc planté cette femme de peu de foi en la bancarisation ; et jai aussitôt filé chercher mon patron de ministre. Et en retard !
Cette femme de peu de foi mapprendra plus tard quelle avait attendu toute la journée pour accéder au distributeur. Mais quune fois son tour arrivé devant cette machine cracheuse dargent et de vivres, grâce au concours dun gentil fonctionnaire, elle a compris son tort : il fallait le code secretElle men a tellement voulu pour ce code « caché sans doute dans mes chaussettes », quà mon retour, jai eu beau expliquer que la fameuse machine bancarisée ne distribuait pas de riz ni de poulet, wapi, pas question ; elle ma boudé toute la veillée de bonana, et a fait embargo au lit conjugal.
Mon patron de ministre avait lair découter attentivement mes mésaventures bancarisées. Sans doute se trouvait-il dans la même situation chez lui, en ménage


YOKA Lye


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(dernière dépêche, diffusée en novembre 2009, du blog de Jodi sous son ancienne forme)