Didier de Lannoy
Le
texte qui suit aurait évidemment dû être posté sur le blog de
Jodi (Lettres d'information) mais, une fois de plus, Overblog (avec
le complicité de Standard Telecom) m'a fait des embrouilles si bien
que
-
Cela devient une habitude ! Ils vont finir par perdre ma
clientèle !
j'ai
encore été obligé de me réfugier sur Blogger, dans une parcelle
de Mwana Danzé, alias la Veuve mariée ...
Veuveresse ya bomoyi
2013Quelques autres fronts (actifs ou désactivés) :
Congo
bololo, cliquez sur:
http://congobololo.blogspot.com/
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Recteur de l'Institut National des Arts, certes, mais avant tout écrivain...
YOKA LYE MUDABA
4 JANVIER 1959 à Kinshasa : les mythes populaires
de même que sa dernière « confidence de chauffeur de ministre »
BONANA : Vivres et produits... "bancarisés" !
Je
Deux « livraisons », je suis gâté : les mythes populaires se rapportant aux « événements » du 4 janvier 1959 et un « confidence de chauffeur de ministre » sur la bancarisation !
Ce dernier texte est un très beau cadeau que j'ai
- Tout comme un certain nombre d'amis, évidemment !
reçu de Yoka Lye Mudaba pour la nouvelle année (après 2012, année de la « bancarisation »... moyen efficace de lutter contre « le management par la dîme », on peut espérer que 2013 sera l'année des comptes, à la place des poches, bien remplis ?) Et internet me permet de multiplier ces deux textes (comme les pistolets, les croissants, les petits pains au chocolat... ou les kwangas des Evangiles ?) et de les redistribuer à tout le monde... tout en les gardant pour moi tout seul ! Je ne vais quand même pas laisser passer l'occasion ! E bongo !
diffuse
ddl
alias Vié ba Diamba
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4
JANVIER 1959 à KINSHASA : LES MYTHES POPULAIRES
Les
faits historiques qui entourent les émeutes du 4 janvier 1959 sont
trop connus pour qu’on y revienne : d’ailleurs tout le week-
end passé, des commentaires en tous genres ont tenté d’illustrer
l’événement. Mais dans ces commentaires la part des mythes
populaires est inexistante. L’histoire, n’a-t-elle pas parfois
besoin de mythes pour consolider foi et devoir de mémoire ?
- « Dipanda »
Un
des mythes de base entretenus à la fin des années 50, années
effervescentes d’avant-indépendance, c’est celui de « dipanda
mediate », déformations paradoxales d’ « indépendance
immédiate ». En 1959, sans doute à cause des surenchères
politiciennes, l’ « indépendance » avait été
perçue par le commun des Congolais comme l’épiphanie, comme un
changement magique des rôles, le Noir remplaçant le Blanc, et le
petit peuple accédant au bonheur clés en mains. A ce titre
l’histoire de la RDC est ainsi jalonnée de mythes en
trompe-l’œil, tels « démocratie » (devenue
« démon-cratie » au fil des déceptions), « changement
radical », « révolution », « développement »,
etc.
- « Roi Kasa »
L’histoire
de notre pays est aussi jalonnée d’élans messianiques plus ou
moins porteurs, notamment chez le peuple kongo : mythes
rédempteurs de Kimpa Vita, d’André Matsoua, de Simon Kimbangu,
etc. Tout au long des années 50, Joseph Kasavubu, président de
l’Association des Bakongo (ABAKO), apparait comme le plus radical
des hommes politiques congolais face à l’administration belge.
Plus radical même que Patrice Lumumba. En 1959, pour les Bakongo,
Kasavubu, « roi Kasa », est un nouveau messie. Que
d’anecdotes autour de sa personne ainsi que de ses faits et gestes
politiques ! Traqué par la police coloniale, il apparait aux
yeux du peuple comme un Simon Kimbangu passablement thaumaturge, qui
disparait et réapparait comme un génie, donnant ainsi du fil à
retordre à la Sûreté belge.
- Magie et force vitale populaire
L’un
des moments vraiment embrayeurs de la révolte populaire du 4 janvier
1959, la toute première du genre à Léopoldville depuis la
colonisation, c’est la conjonction d’un double mécontentement
dans le périmètre de l’actuel quartier Matonge : celui
d’une part des militants de l’ABAKO déçus par l’annulation du
meeting politique de Kasavubu et de ses alliés ; et d’autre
part celui des supporters de la très populaire équipe de foot-ball,
V.Club, battu de façon inattendue, ce même dimanche 4 janvier 59,
par un adversaire pourtant à sa portée, l’équipe Mikado. Les
deux marées humaines de déçus ont alors déferlé sur le
Rond-Point Victoire et ont fusionné, avant de se propager comme
poudre à canon dans les quartiers environnants, détruisant au
passage tout ce qui ressemblait de près ou de loin à quelque
vestige colonial : édifices religieux et civils, ainsi que
leurs contenus ; poteaux de signalisation, espaces de loisirs
réservés aux Blancs, etc. Les Kinois se souviennent de ces
anecdotes insolites relatant l’immense force destructrice de
« nains », de « djinns » et autres zombis
dénudés, sortis droit des cimetières et de l’au-delà, afin de
prêter main forte, de façon exceptionnelle, aux émeutiers
déchaînés. Ce sont ces « esprits » de l’au-delà qui
auraient causé les plus grosses casses. Comme quoi la revendication
de l’indépendance et l’expérience alors éprouvée de la
supériorité du Noir sur le Blanc ont été galvanisées par les
ancêtres eux-mêmes. Le soir de ce dimanche tragique, au moment où
la Force Publique alertée traquent les émeutiers et tirent à
balles réelles dans la foule, ces « nains » invincibles
n’ont-ils pas allègrement neutralisé et dérouté ces
projectiles meurtriers ?
- La revanche du Blanc par la magie de la technologie
La
riposte de la Force Publique s’est manifestée en deux phases :
riposte musclée manu militari,
faisant de nombreux morts et blessés ; riposte par la
manipulation médiatique : les populations kinoises ont été en
effet convaincues qu’en représailles aux pillages commis par les
Noirs, les Blancs venaient de mettre au point une machine
sophistiquée qui détectait à la seconde non seulement tout objet
mal acquis, mais aussi, tel un chien flaireur professionnel, tout
pillard suspect. D’où le quadrillage systématique et manu
militari des quartiers « chauds »
comme Kinshasa, Barumbu, Renkin, Dendale, Foncobel, etc. D’où la
restitution d’autant plus empressée d’un certain nombre d’objets
pillés, que des nouvelles alarmantes de malédictions ont commencé
à circuler : qu’un pillard qui s’était affublé d’une
soutane d’un prêtre missionnaire est aussitôt devenu fou. Qu’un
autre pillard qui avait ingurgité quantité d’hosties volées à
la sacristie de l’église Saint Pierre de Kinshasa a vomi du sang
en abondance jusqu’à l’hémorragie totale. Qu’un troisième
pillard qui avait subtilisé des fonds d’un tiroir-caisse de la
procure paroissiale a vu sa maisonnée être envahie complètement,
tel un cauchemar, par des billets de banque se reproduisant à
l’infini. Le pillard serait mort étouffé.
- Totem et tabou
Pour
se protéger contre toute cette répression policière, les militants
de l’ABAKO ont trouvé dans les traditions totémiques des
boucliers apparemment imparables. L’un de ces boucliers magiques
n’était autre que le « N’kodia » (coquille
d’escargot), à la fois armoirie et symbole de l’ABAKO. Ce totem
prenait du coup chez les militants traqués par la police valeur
d’amulette et de fétiche protecteurs. Beaucoup d’entre ces
militants n’affirmaient-ils pas aux jeunes Kinois que nous étions,
que lors des fouilles serrées et tatillonnes de la police dans les
quartiers « chauds », il suffisait de porter au cou
l’amulette « N’kodia » pour disparaître
mystérieusement de la vue des policiers. Comme un fantôme !
En
fin de compte, l’histoire du 4 janvier 59 retiendra qu’hier comme
aujourd’hui, « radio-trottoir » reste à Kinshasa un
puissant moyen de communication et de mobilisation. Maintenant aux
historiens et aux anthropologues d’interpréter à leur juste
valeur les interférences entre souvenir et mémoire, entre mythe et
réalité. Je conclus comme ces deux journalistes belges, Jacques
Marres et Pierre De Vos dans leur ouvrage commun, « L’équinoxe
de janvier », véritable journal de bord des évènements de
cette journée fatidique ; s’inspirant de G. Apollinaire, ils
ont dit avec lui : « Bien voir au-delà, tout voir, de
près. Et que tout ait un nom nouveau. »
YOKA
Lye
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Confidences
du
chauffeur
du
Ministre
BONANA :
Vivres
et
poulets…
« bancarisés » !
Branle-bas
devant
les
banques
en
la
veille
et
au
lendemain
des
fêtes
de
fin
d’année
(et
qui,
je
rappelle,
ont
failli
être
celles
de
la
fin
du
monde,
n’eussent
été
quelques
anomalies
techniques
au
niveau…astral
et
céleste).
Ce
matin,
en
passant
devant
un
certain
nombre
de
banques
aussi
bien
à
la
cité
qu’au
centre-ville,
mon
patron
le
Ministre
des
Affaires
stratégiques
(
à
prononcer
avec
respect…)
a
été
surpris
et
même
quelque
peu
déçu.
Pourtant,
lui
avait
donné
sa
parole
d’honneur
(à
la
télé
nationale
répercutée
par
radio-trottoir,
radio-télé-gueules
et
télé-couloirs),
que
tous
les
agents,
qu’ils
soient
d’en-haut-en-haut
ou
d’en-
bas-en-bas,
tous
absolument
devaient
être
payés
avant
les
fêtes.
Et
par… « bancarisation »
obligatoire.
Mon
patron
ne
comprenait
donc
pas
ces
affluences
indisciplinées
devant
les
banques.
J’ai
respectueusement
expliqué
à
mon
ministre
ce
que
nous
les
chauffeurs
appelons
« effet-entonnoir »,
prenant
ainsi
exemple
sur
les
embouteillages
de
la
ville :
il
s’agissait
du
fait
que
tous
ces
fonctionnaires
ont
tous
été
payés
au
même
moment
et
aux
mêmes
endroits.
D’où
ces
embouteillages
d’agents,
d’en-haut-en-haut
ou
d’en-bas-en-bas,
devant
les
guichets.
J’ai
alors
raconté
à
mon
patron
de
ministre
l’incident
qui
a
failli
me
coûter
le
divorce
d’avec
ma
femme
à
cause
de
la
bancarisation.
Ah !
la
bancarisation !
Ma
propre
femme
ne
me
croyait
plus :
chaque
matin,
c’étaient
les
mêmes
palabres
parce
qu’il
me
fallait
absolument
lui
laisser
de
l’argent
liquide
pour
la
popote
de
la
journée,
et
au
prix
où
elle
l’exigeait.
J’avais
beau
lui
expliquer
qu’aujourd’hui
c’est
indécent
pour
tout
chauffeur
civilisé
d’avoir
sur
lui
de
l’argent
liquide,
wapi,
pas
question !
Qu’en
chauffeur
de
ministre
première-
classe,
la
mode
était
aux
chéquiers
et
à
la
puce
pour
distributeur
bancarisé,
wapi,
pas
question !
J’avais
beau
lui
expliquer
que
tout
est
bancarisé :
que
les
vivres,
croupons
de
dindons
et
riz
pour
les
fêtes,
sont
bancarisés ;
que
les
primes
de
gratification
de
fin
d’année
sont
bancarisées,
que
les
« banques
–Lambert »
et
autres
prêts
à
usure
sont
bancarisés,
que
les
tournées
de
bière
au
nganda-bar
sont
bancarisées,
que
les
dîmes
au
temple
du
pasteur
sont
bancarisées,
wapi,
pas
question ;
elle
ne
me
croyait
pas.
Aussi
bien,
l’autre
jour,
veille
de
bonana,
a-t-elle
cru
bon
farfouiller
dans
mes
poches
pour
surprendre
quelques
francs
ou
dollars
cachés.
Entre
nous,
chuuut !
elle
a
un
peu
raison,
la
chère
épouse,
puisque
le
mois
passé,
malgré
mes
explications
sophistiquées
sur
la
bancarisation
tous
azimuts,
elle
avait
découvert
au
fond
de
mes
chaussettes
une
petite
réserve…stratégique
de
dollars.
C’étaient,
oui,
des
dollars
…stratégiques
qui
me
servaient
d’intervention
rapide,
ou
d’escapade
en
cas
de
« qu’est-ce-que-c’est »
(comme
disent
les
Kinois).
Et,
à
l’occasion
de
cette
découverte
félonne,
mon
épouse
avait
alors
explosé:
« Ah !
Espèce
de
caméléon,
c’est
donc
ça,
la
bancarisation ? ».
Depuis
lors,
l’épouse
attrape
de
l’urticaire
dès
que
je
prononce
le
mot
de
« bancarisation ».
A
un
moment,
elle
a
même
cru
que
c’était
le
nom
de
code
de
quelque
« londonnienne »
camouflée,
et
a
menacé
de
m’accuser
à
mon
patron
de
Ministre.
Donc,
la
veille
des
fêtes,
elle
a
exigé
d’aller
elle-même
à
la
banque
et
m’a
confisqué
ma
carte
de
crédit
pour
distributeur
bancarisé.
Elle
m’a
dit
qu’elle
allait
y
retirer
ce
qui
restait
de
primes
de
gratification,
mais
surtout
de
vivres
de
fêtes,
testicules
de
chauves-souris
compris.
J’ai
eu
beau
lui
dire
que
la
bancarisation
avait
ses
règles,
que
sans
code
secret
bancarisé,
elle
ne
pourrait
pas
entrer
en
possession
des
dollars
ou
francs
bancarisés ;
wapi,
pas
question !
J’ai
entretemps
dû
sacrifier
à
la
ponctualité
à
laquelle
m’avait
soumis
l’exercice
de
ma
profession
de
chauffeur
de
ministre
et
faire
avec
ma
femme
un
détour
par
le
distributeur
du
quartier.
Trop
de
monde !
J’ai
donc
planté
là
cette
femme
de
peu
de
foi
en
la
bancarisation ;
et
j’ai
aussitôt
filé
chercher
mon
patron
de
ministre.
Et
en
retard !
Cette
femme
de
peu
de
foi
m’apprendra
plus
tard
qu’elle
avait
attendu
toute
la
journée
pour
accéder
au
distributeur.
Mais
qu’une
fois
son
tour
arrivé
devant
cette
machine
cracheuse
d’argent
et
de
vivres,
grâce
au
concours
d’un
gentil
fonctionnaire,
elle
a
compris
son
tort :
il
fallait
le
code
secret…
Elle
m’en
a
tellement
voulu
pour
ce
code
« caché
sans
doute
dans
mes
chaussettes »,
qu’à
mon
retour,
j’ai
eu
beau
expliquer
que
la
fameuse
machine
bancarisée
ne
distribuait
pas
de
riz
ni
de
poulet,
wapi,
pas
question ;
elle
m’a
boudé
toute
la
veillée
de
bonana,
et
a
fait
embargo
au
lit
conjugal.
…Mon
patron
de
ministre
avait
l’air
d’écouter
attentivement
mes
mésaventures
bancarisées.
Sans
doute
se
trouvait-il
dans
la
même
situation
chez
lui,
en
ménage…
YOKA
Lye
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(dernière dépêche, diffusée en novembre 2009, du blog de Jodi sous son ancienne forme)
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(dernière dépêche, diffusée en novembre 2009, du blog de Jodi sous son ancienne forme)
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